Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le journal d'un papillon

Le journal d'un papillon
Publicité
Archives
9 novembre 2016

Barbara Je pose délicatement mes mains sur la

Barbara

Je pose délicatement mes mains sur la rambarde en fer forgé du balcon et ferme les yeux. Le soleil caresse mon visage, me  réconforte de sa douceur .Ici,  à cet instant, je prends la mesure du chemin parcouru. J’ai la certitude d’avoir fait le bon choix. Je quitte mon manteau de misère pour une nouvelle garde-robe, à ma taille celle-ci. J’accepte le prix qu’il me faudra payer pour avoir quitter le confort paisible de mon mariage, le deuxième. Je fais la promesse intérieure de ne plus me tromper car je sais, enfin, qui je ne suis pas- une épouse idéale, une mère parfaite. Mon insoumission aux règles du mariage m’a amené jusqu’à ce balcon bercé de soleil. J’entame ce nouveau chemin. Mon avenir sera seule puisque je ne sais pas aimer et être aimée. J’ai choisi mon identité.

Je suis Barbara Valentin, quarante six ans. J’ai mis deux mariages à faire trois enfants et trois enfants à me défaire de ces deux mariages. Agate, vingt quatre ans, Jules, vingt deux ans, nés de mon union avec Marc ; puis Victoire , dix ans, de celle avec Victor.

Mon nouvel appartement se situe au deuxième étage d’un ancien hôtel en pierre de tuffeau, sur les quais de la Vienne, bordés d’arbres centenaires. Refait à neuf récemment, murs blancs, persiennes, parquet, cuisine équipée dans la pièce principale et deux chambres pour Victoire et moi. Un petit cinquante mètres carré plein du charme de l’ancien. Grâce à l’exposition plein sud le soleil inonde la pièce d’une douce lumière. Ce lieu est mon choix de femme indépendante.

La sonnerie de mon portable me sort de mes pensées. Je me faufile entre les cartons pour l’atteindre et décrocher. C’est mon amie Sacha.

_ Salut Copine ! Alors cette première nuit ?

_ Tellement épuisée que j’ai monté mon lit et je me suis couchée sans aucune pensée. J’ai dormi comme un bébé.

_ Et le rangement, tu avances ?

_ Le rangement !! J’ai déjà posé les rideaux dans toutes les pièces, les rouges dans le  salon. Pour les cartons, par  contre, je bloque.

_ Elle arrive quand Victoire ?

_ A la fin de la semaine. Ce qui me laisse le temps d’installer sa chambre.

_ Comment tu te sens ?

_  Je respire, je rêve et j’ai peur..ça te va comme réponse ?

_ Ah oui, parfaitement. J’suis fière de toi, Tu l’as fait…..

_C’est vrai…Dis, tu viendrais boirloter aujourd’hui ?

_Il est quelle heure ?

_Quinze  heures.

_ D’accord, je vais promener Chonchon, je le redépose à la maison et j’arrive.

_ A tout à l’heure, alors. N’oublies pas d’apporter des gâteaux. Je n’ai pas encore fait de courses. Les placards sont vides.

 

 

Je décide de faire un peu d’ordre dans la pièce avant l’arrivée de mon amie. La première chose qui me vient à l’esprit est de mettre un peu de musique. Il me faut brancher mon Mac pour lancer ma Play List. Je décide que la place du bureau sera près de la fenêtre avec vue sur la Vienne. Mobylette, mon gros chat chartreux, vient roucouler contre mes jambes. Cela faisait au moins deux heures qu’il avait disparu, probablement caché derrière une pile de cartons. Il est temps de chercher et trouver les croquettes et la gamelle. Après l’annonce de mon départ, Victor m’a demandé de lui faire par écrit une liste des choses que je souhaitais amener avec moi. J’ai demandé le minimum pour juste m’installer, une armoire, un lit, la machine à laver, la table et les chaises de ma grand-tante et quelques bricoles. J’ai choisi de lui laisser tous ce qui semblait avoir de l’importance pour lui et qui n’en avait pas pour moi, la cuisine Ikea, le frigo américain, la cave à vin, le lit en cent quatre vingt, les cadeaux qu’il m’avait fait et qu’il voulait garder. J’ai aussi amené avec moi car il n’en voulait pas, Mobylette et Décibel notre golden retriever. Autant dire que dans un cinquante mètres carrés, nous sommes plus proches que jamais. Aucun des deux ne semble perturbé de notre nouvel environnement, ni de l’absence de Victor. Décibel ne s’éloigne jamais de plus de trente centimètres de moi et nous avons déjà pu explorer ensemble le quartier pour nos balades.

Je m’allume une cigarette et la fume sur le balcon. Sacha est devenue mon amie lorsque nous  lui avons vendu notre maison l’année dernière. Victor et moi avions convenu de tenter de vendre la maison, cela pour, d’une part respirer financièrement et aussi pour une sorte de nouveau départ. Ce fut un nouveau départ, pour moi seulement, pas comme Victor l’envisageait. Le rapprochement espéré n’a pas eu lieu.

_ Passe une annonce sur le bon coin, on verra bien..

Vingt minutes plus tard, je recevais un appel de Sacha qui voulait visiter la maison. Le rendez-vous fut pris pour le lendemain à dix heures. Je l’avais déjà souvent croisé à la sortie de l’école lorsqu’elle venait chercher sa fille mais nous n’avions jamais osé nous parler. Je connaissais son compagnon car Victoire était copine avec la plus grande de ses deux filles avant qu’elles ne partent vivre à Paris avec leur mère. Lorsqu’ils ont franchi le portail, j’ai compris qu’ils avaient eu le même coup de cœur pour la maison que moi huit ans auparavant. La suite de la visite a confirmé ce que je ressentais. Malgré d’autres visites par d’autres couples, je voulais, sans savoir pourquoi vendre la maison à Sacha car elle était faite pour elle comme ce fut le cas pour moi. A chaque contre-visite et rencontre négociative, nous avons tissé le lien qui fait de nous des amies.

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

 

Rochefort sur mer, quelques années après le tournage « des demoiselles de Rochefort », Agée de deux ans,  survint  la première révolution de ma vie .

Ces souvenirs sont ceux rapportés par Maude, probablement peu objectifs. Ils sont la chape de béton sur laquelle repose le début de ma vie de petite fille et nourrissent ma vie d’adulte.

Jean-Pierre, mon père, militaire de carrière dans la marine, s’apprête à partir à Tahiti, pour une mission de onze mois qui l’éloigne de sa femme et ses trois enfants, Stéphane, six ans, Véronique, quatre ans et Barbara, la dernière.
S’il avait refusé cette mission ou accepté la proposition de partir treize mois avec toute sa famille, comment seraient nos vies aujourd’hui ? Mille fois cette question : Et si pour Maude s’eut été la seule et unique occasion de se faire la belle sans culpabilité ? S’il n’était pas parti, un jour aurait poussé l’autre et son manque de courage ou sa lâcheté aurait figé ma famille ordinaire dans l’état où elle se trouvait. Monsieur D n’aurait pas pénétré dans nos vies. Mais voilà, il l’a fait, avec force. Maude ne serait plus jamais une «  mère avant tout », mais devint Madame D.
Lui, avait les clefs de son bonheur et la promesse d’accéder au statut social dont elle rêvait depuis l’enfance : le juste contraire de sa vie d’avant, estimant la valeur de son destin au-dessus de celle d’une femme de militaire, au-dessus de celle d’une fille de charbonnier…Elle se voulait bien au-delà de cette médiocrité. Si bien, qu’il ne fallait pas laisser passer cette chance d’être quelqu’un, enfin...., la femme de monsieur D, pour qui les apparences et la sphère où l’on évolue comptaient autant que pour elle.

 

A son retour, Jean-Pierre n’a rien compris, .....pas compris que c’était perdu d’avance car il avait si peu à lui offrir.

La vie a pris un virage à cent quatre-vingt degrés et les emmerdes ont commencé, les mauvais souvenirs aussi…

Ont suivi : des années de bagarre pour un divorce violent, sans compromis, dans la discorde la plus totale et les batailles des avocats : à celui qui, par voie d’huissier, prouverait le premier l’adultère de l’autre. Jean-Pierre a perdu. Les valises de D, toujours prêtes en cas de contrôle d’une assistante sociale puisque officiellement, et ce durant pas mal d’années, Maude vivait seule et sans emploi avec ses trois enfants,   jouant le vilain jeu de la fraude aux allocations familiales. Bien entendu, la réalité était tout autre. L’ascension fulgurante de D,  offrait au couple un train de vie plus que confortable.
Ces années furent à n’en pas douter, les plus belles pour Maude, bercées d’illusion et cachant le prix qu’elle devrait payer plus tard…

 

Ce que D paya plus tard, c’est le prix d’avoir quitté sa femme et leur fille de deux mois. Il répara son méfait en couvrant de cadeaux sa fille,. Cela ‚n’a rien réparé,  pas ce genre de maux : l’abandon d’un pére.

Il est un homme charismatique, c’est vrai….machiavélique et méprisant aussi….

Certe, Maude avait trois enfants mais, en aucune maniére, ils ne devaient parasiter ses projets. A de très rares occasions, il les „montrait“, mais laplupart du temps leur vie sociale écartait ces éléments un peu encombrants.
Malgré  tout, les premiéres années ne furent pas faites que de souvenirs sombres. Je me  souviens  des heures d’insouscience chez les voisins qui possédaient une ferme. Les parties de cache-cache dans les bottes de paille, la fourgeonnette abandonnée où des heures durant nous jouions.

Heureusement, un homme d’affaire tel que lui, muni de dents longues, passe fatalement beaucoup de temps à travailler: „business avant tout !“

Et quand le loup n’est pas là, les enfants dansent…..

La mémoire, semble-t-il, est programmée pour nous protéger des trop grandes douleurs. La mienne a formaté certains passages. C’est comme un livre d’histoire auquel on aurait arraché des pages.
Nous nous sommes installés dans un charmant petit village en 1973.Petite maison en pierre de taille, petit jardin.

Maude mis toute son énergie et un don incontestable pour créer un lieu sophistiqué, malgré la simplicité  de la maison  qui, de l’extérieur ne payait  pas de mine. Elle commença, à cette époque à fréquenter les antiquaires et très vite la petite maison est devenue bourgeoise et sophistiquée, comme sa locataire. Les dîners se succédaient, le carnet d’adresse se remplissait de prestigieuses personnes. Il semblait que le rêve de Maude se réalisait.

Je ne compris qu’une fois adulte la stratégie de ces amitiés-là : Rendre service à chacun de ces nouveaux amis permettait à n’en pas douter de se protéger, et parfois de bénéficier d’un renvoi d’ascenceur…Alors, que dire de l’amitié ?. Il était pour leur couple juste un jeu d’intérêts  et de calculs bien faits. Depuis, …..nombreux ont étaient les « amis » ayant mis les voiles ou du moins pris juste leurs distances au nom d’une amitié longue de dizaines d’années… Leur isolement présent rappelle chaque jour qu’il y a un prix à payer à étouffer les choses du cœur. J’ai  foi en l’intelligence de notre cœur, même si, en quelques sortes, on en paye le prix aussi. Mais la douleur et la  souffrance d’avoir perdu certaines de nos illusions concernant les êtres en lesquels on place notre amour et toute notre confiance, nous rend aussi plus fort….

 

Cette époque fut celle où nous, les trois enfants de Maude prenions la mesure de la distance entre le monde des parents et celui des enfants. N’ayant aucun autre modèle proche de famille normale, nous nous contentions de vivre la situation avec obéissance. Stéphane, le bon éléve, ne faisant aucune vague. Il fut, un temps, un élément qui intéressait D. Depuis ses cinq ans, il avait décidé qu’il serait un pilote d’avion. Alors D a acheté un avion « cesna » et chaque week-end, ils ont, tous les deux, partagé des heures de bonheur pour Stéphane à l’aérodrome de Saumur. A quatorze ans, il eu le privilège de commencer à piloter. Quelle ivresse, bien mérité pour un adolescent si sage et qui chaque jour était plus soumis encore vis-à-vis de D, sachant la chance qui lui était offerte. En réalité, D ne faisait pas seulement un cadeau à ce bon petit soldat de Stéphane. Il entretenait son image de beau-père idéal…

Cet état de grâce n’a pas duré. Quelques temps après, lorsque Stéphane a émis le souhait fou de prendre de vrais cours de pilotage, il a rencontrer un mur : une centaine de kilométres chaque semaine pour payer en plus des cours : or de question ! fin de non recevoir. La suite pour Stéphane fut une longue bataille pour réussir par lui-même et à contre courant. Car la bonne excuse que D trouvait en mettant la main dans son chapeau de magicien pour ne pas soutenir un des projets des enfants de Maude, ce n’était pas un lapin blanc aux oreilles roses, non   !ça ressemblait à : « tu réussiras par toi-même !!! car on doit en baver pour connaître la valeur de ce qu’on a acquit » Et voilà, débrouilles-toi avec ça !!!
En quelque sorte, il gérait sa famille en chef d’entreprise qu’il était. Peut-être, ne savait-il pas faire autrement A compter de ce moment- là, Stéphane a compris qu’il n’intéressait plus D. Déjà, son regard se posé sur une autre cible….la plus douloureuse des absences que Stéphane rencontra toute son enfance, fut celle de la tendresse de sa mère. Maude s’était tellement fondue dans son nouveau milieu, qu’il fallait absolument éduquer son fils à la dure. Elle croyait que la tendresse et les mots d’amour mettaient son fils en danger car ils ramollissent l’être qui les reçoit.

Stéphane porte, aujourd’hui encore, le poids  mort de ce vide affectif que maman lui imposa..
Je reçus comme un trop plein et grâce à mon statut de petite dernière, une immense protection de Maude.

Dés que D partait en voyage d’affaire, la petite fille que j’étais, bénéficiait  du bonheur douillé de dormir avec sa maman. Alors, effectivement, la relation devint fusionnelle. Il est envisageable que Maude, à ce moment ait choisi de protéger au moins un de ces enfants. Ce fut moi. En opérant une petite réflexion simpliste, j’imagine que madame D commençait à ce soucier de la méthode d’éducation imposée par son cher homme. Elle débuta une épuisante bataille entre refuser de perdre sa vie de rêve et avoir mal pour ses petits. La plupart du temps, le retour au bercail du patriarche effaçait ses doutes et la puissance de conviction de D rétablissait la place de chacun. Maude redevenait docile et soumise et étouffait sa peine.

Impossible de dater précisément à quel moment maman commença à sombrer. Cette belle femme digne et sobre devint doucement indigne et ivre. Elle s’accrocha, pourtant et de toutes ses forces, à l’apparent bonheur. Maude en était certaine, c’est D qu’elle aimait et son charisme : un choix délibéré pour le bien de tous…Pourtant quel dilemme insupportable que fut de se battre contre deux points de vue : cet homme est un salaud mais je suis son esclave et cet homme m’aime et j’accepte le prix à payer.

Lorsque je m’efforce de me souvenir des premiers signes, je vois des images floues ,au retour de l’école , de Maude sur le canapé du salon, un peu chancelante, et articulant difficilement. Mais une enfant ne peut savoir la cause de ces effets.

Plus tard, les tentatives de mourir ont commencé….pour la Dame. Ces appels, D refusa rapidement et catégoriquement de les entendre, voir même de les écouter. Ce grand homme fut sourd…longtemps, si longtemps.

Depuis,  Maude livre un combat solitaire entre deux options : la première : refuser la dictature et renoncer à ces rêves de grandeur. La deuxième : capituler, du moins en apparence et ainsi résister plus en silence.
Quoi qu’il en soit, elle plongea dans une spirale dévastatrice.

Toutefois, elle choisit de sauver la face en tentant de protéger la petite dernière, comme une confession pour expier ses fautes.
L’effet pervers de cette tentative fut que plus elle me couvait, plus elle provoquait la fureur de D. J’aurais pourtant pu passer inaperçu à ses yeux, tant j’étais  insignifiante et si peu intéressante. Maude, en voulant préserver un peu de sa dignité a réveillé  la colère et fut accusée d’avoir sa « chouchoute ». De pire en pire, elle a subit la méprise voir la jalousie de D qui ne comprenait, peut-être pas pourquoi sa femme avait choisi la petite plutôt que lui. 

 

Maude, Stéphane et moi avons  payé le prix fort….pour nos défis, notre désobéissance.

 

 

 

Publicité
Publicité
Publicité